Ce qu'a été Mai 68 nous ne le comprenons pas. Ce que nous comprenons de Mai 68, ne lui appartient pas. Pour la simple raison, qu'il s'agit d'un événement. Et il est du propre de l'événement de ne pouvoir être compris sous les schèmes d'une pensée historialement déterminée dans la mesure où l'événement est production de nouveauté, c'est à dire de différence. Et s'il donne beaucoup à penser, il demeure rebelle à toute connaissance, puisque connaitre c'est ramener la différence à l'identité d'un sens commun, selon les normes et les valeurs d'une époque. Or Mai 68, c'est l'événement pur, l'imprévisible et l'irréductible nouveauté, la différence absolu, que rien n'aurait su prédire ou anticiper, et donc encore moins expliquer, dont la pensée -comme acte de- requiert dans l'esprit des forces créatives, productives et non cognitives, requiert donc la création de valeurs nouvelles.
Mais fidèle à la supplique platonicienne du "Il faut sauver les phénomènes", les intellectuels ont ramené et réduit Mai 68, c'est à dire la différence et la nouveauté, aux schèmes de la pensée et de l'idéologie, à l’identité sous le signe de la recognition, vidant l'événement de sa substance propre de telle sorte que nous ne restions pas sans voix face à l'évènement, mais qu'à l'évènement succède le bavardage. Bavardage idiot sans fin et stérile, dont le mot d'ordre et déjà donné par l'idéologie et les valeurs du temps, moderne en fait mais si vieux en droit. Ce qui est à mon sens, la stricte définition du post-modernisme.
En substituant le bavardage à l'évènement, les intellectuels ont tué toute possibilité d'avenir en tuant toute possibilité de penser. A partir de Mai 68, nous ne pensons plus. Ce n'est pas en vertu de Mai 68, mais parce que nous l'avons manqué et que nous le manquons encore cet événement, que nous ne pensons plus. A la pensée c'est substitué le bavardage creux, stylisé et inconséquent de l'intellectuel médiatique et starifié. Mai 68 a fait éclore les nouveaux prêtres, la victoire de la défaite, le triomphe des faibles, l'anti-nietzschéisme absolu. Lévy, Glucksmann, Universal, Sony, M6 ou TF1, bref les marques du prêt-à -penser ou du fast-intellect, l'ont emporté sur Deleuze, Bizot, Debort... Pire ils les ont intégrés, digérés, muséographiés dans la machine molle acultuelle et aculturelle de la pensée postmoderne réactive.
Alors pourquoi ne peut-il plus y avoir de Mai 68 ? Pour la simple raison qu'il ne peut plus y avoir d'événements. Ce qui advient n'advient qu'au prisme des médias. Le monde est saturé de communication, nous ne voyons plus le monde qu'aux travers des interprétations idéologiques et sclérosées primant tout évènement. De telle sorte que plus rien ne puisse arriver.
Il n'y aura plus de Mai 68, de Londres 77 ou de Paris 80. Mais il existera toujours dans l'ombre ou dans la marge un folklore protéiforme de la zone mondiale.
Pourquoi il n'y aura plus de Mai 68 ?
lundi 2 juin 2008. Lien permanent Politique
Parce que Mai 68 n'a pas eu lieu, il n'y aura plus de Mai 68.
16 réactions
1 De hum... - 19/06/2008, 22:04
Peut-on désirer sans souffrir?
2 De hum... - 19/06/2008, 22:05
Peut-on désirer sans souffrir?
3 De hum... - 19/06/2008, 22:06
Peut-on désirer sans souffrir?
4 De dsl - 19/06/2008, 22:23
dsl, fausse manip'.
5 De jean - 20/06/2008, 13:05
qui se cache sous cet air dubitatif ? un futur bachelier ?
la question du désir est au centre de 68.
6 De "futur bachelier" - 20/06/2008, 23:36
Mais comment avez-vous deviné?! ^^ En effet c'est le sujet que j'ai pris au bac mais je n'ai pas penser à Mai 68 c'est pourtant trés lié au désir! Malheureusement la philo n'est vraiment pas mon fort...
7 De jean - 21/06/2008, 12:55
et bien j'espère que ça a marché malgrés tout. à bientôt et bonne chance.
8 De "futur bachelier" - 22/06/2008, 11:29
Merci
9 De irène - 22/06/2008, 22:26
Salut jean, aka l'homme de droite, dis donc j'espère que ça s'est bien passé le marché de la poésie! ( je ne sais pas si tu te rappelles, on s'est rencontré dans la librairie rue de l'ourcq, lorsque vous y faisiez votre petit speech... ) j'aurais bien voulu venir mais j'ai été retenue par une armée de carton et comme je ne suis pas la patronne chez moi mais plutot l'ouvrier, je me fais exploiter pour le bien commun et familial....
enfin! on ne peut pas tout faire, mais vous, quand peut on vous retrouver pour discuter plus amplement de vos écrits ( ben oui quoi je suis arrivée en retard et j'étais punie au premier rang...) enfin!
bonne soirée
10 De jean - 23/06/2008, 01:35
damned, j'ai autant de doutes sur la provenance de ce dernier commentaire que sur sa signification. est-ce une certaine mademoiselle A. que je dois remercier ? un seul indice m'y incline. je ne dirais pas lequel car je n'en suis pas fier.
a bientôt
11 De irène - 23/06/2008, 09:26
enfait c'est une regrettable erreur qui m'a conduite sur ce site, j'en cherchais un qui est son homonyme! je suis confuse!
12 De jean - 23/06/2008, 10:22
je ne dirais pas que c'est regrettable mais c'est plutôt rassurant.
13 De honshuku - 04/07/2008, 17:22
"mai68" comme un indice dans le temps , un indice de mémoire collective ; chacun a son "mai68" ; même un jeune d'aujourd'hui pourrait y redire , à sa façon, dans les mots de son slam; j'ai l'impression d'y voir un logo , une marque , que chacun afficherait , d'autre ont encore cette marque bien ancré dans leur chaire .Parralèlement parlant, moi je pourais dire que j'ai mon aout73, je l'ai dans un coin de la tête comme une bouffée d'oxygène ; tout ce qui a rapport au temps et le poinçonne dans les têtes, la conscience individuelle la déroute à sa guise : en fin de compte ça devient "madeleine et bavardage" ......bon été....
14 De jean - 07/07/2008, 19:54
qu'est ce qu'il c'est passé en aout 73 ?
15 De nora - 15/07/2008, 10:46
la question du désir au centre de mai 68?
"un centre" qui a consisté a liquider le désir, à l' exclure nevrotiquement. Mai 68 a réussi à faire de" ce centre" le trou du plus de jouir. La question était devenue celle de la jouissance. mais une jouissance ne peut se questionner : elle est.
16 De jean - 15/07/2008, 11:08
Je suis assez d'accord sur cette confusion opérée en 68 entre désir et jouissance. Confusion par laquelle on entre dans l'époque de l'immédiateté. Et l'immédiateté est ce qui annule toute possibilité de culture; d'autant, lorsqu'elle est doublée de l'idée d'instantanéité au travers des phénomènes numériques tels que le buzz par exemple, qui ferment toute possibilité d'ouverture, qui fait passer toute nouveauté pour quelque chose du passé. Je voulais faire un billet là -dessus, et c'est intéressant de relier ceci à la confusion entre désir et jouissance et se demander comment aprés 68 est fermée toute possibilité d'une Histoire.